Lu dans l'Esprit du judo, l'avis aiguisé de Patrick Roux sur les instance politiques du judo :
" ... Jean-Claude Senaud le DTN est venu me voir avec deux propositions, m’occuper de la coordination d’une région ou rejoindre Jean-Luc Rougé à la Fédération Internationale pour faire du Développement. Deux propositions que je n’ai pas acceptées car la première m’éloignait du tapis où il me semble que j’ai encore à faire. Quant à la seconde, je me voyais mal cautionner une politique que je réprouve globalement. Puisque c’est l’occasion de le dire, si
il y a des avancées intéressantes avec cette fédération internationale, notamment du côté des règles d’arbitrage, tout cela est gâché par une attitude mercantile. L’argent est mis au centre du projet du judo mondial. On imite les sports professionnels anglo-saxons, ce qui est déjà une erreur à mon avis mais en plus cet argent si valorisé au niveau international, manque de plus en plus aux fédérations nationales. Le coût sans cesse croissant des tournois où tout le monde jusqu’aux athlètes doivent payer pour combattre, les exigences financières de ce modèle dont la « réussite » attendue est sans cesse reportée, sont en train de nous épuiser. En plus de faire de notre discipline un spectacle médiatique géré comme un business, le modèle actuel tend à désorganiser les modèles nationaux qui avaient fait leur preuve. Si on ajoute à ça la tendance à l’affirmation de plus en plus forte du pouvoir de quelques-uns, une gestion brutale qui a tendance à mon sens à mépriser le travail des hommes de métier, cela fait beaucoup de raisons de ne pas vouloir se mêler à l’aventure.
Ces quatre années passées en Angleterre m’ont confirmé à quel point la culture du judo français, mais aussi ses structures, son savoir-faire global sont forts. Une réalité précieuse et qu’on doit aux 60 dernières années de travail des clubs et de la fédération. J’ai donc beaucoup de plaisir à retrouver cette ambiance riche de judo et j’ai déjà recommencé à travailler auprès des clubs et des judokas qui font appel à moi. Et je vais continuer à m’engager dans le sens du développement de la pratique du judo, et en pensant toujours que le judo peut contribuer à l’amélioration de l’homme.
Je vais paraître trop critique peut-être, mais cela fait des années que je suis rebuté par le mode de gouvernance de ces institutions fédérales, y compris la nôtre, à mon sens irrespectueuse de nos métiers, d’entraîneur, de professeur de judo, de cadre technique… Monter un club, former des ceintures noires, créer un centre d'entraînement, former des judokas de haut niveau c'est un engagement professionnel et humain qui demande une énergie et une expertise considérables. C'est une vocation. La tendance nos institutions à être concentrée sur le profit à court terme et à se méfier même de cette dimension d’exigence nous nous fait perdre de vue le sens de nos engagements. On répète partout « développement de la licence » comme si cela pouvait être un point de ralliement, une symbolique commune. On se plante là-dessus comme sur beaucoup de choses. Dois-je le dire ? Je suis aussi étonné et fâché de voir le Président de notre Fédération devoir consacrer une part importante de son temps à son nouveau rôle de Secrétaire Général de la Fédération Internationale. Outre la caution qu’il donne à cette politique, il me semble que le judo français a vraiment besoin d'un président présent et qui s'implique à fond dans les dossiers essentiels. Mais mon engagement est toujours le même : je me bats pour que le judo français préserve son magnifique patrimoine technique et culturel. Je me bats pour que nous fassions bien le judo. C’est ma seule politique."