Après que l'affaire de l'équipe de France juniors expulsée du Japon ait éclaté au grand jour, suscitant de nombreuses réactions, il va falloir prendre le temps de la réflexion pour trouver une sanction juste et adaptée.
Avec son code moral, ses valeurs, sa tradition, le judo se croyait à l'abri des turpitudes qui ont agité le handball et le football au cours des dernières semaines. Pourtant les faits sont là, treize juniors de l'équipe de France en stage au Japon ont été renvoyés manu-militari - ou rapatriés si l'on s'en tient à la version de la FFJDA -, suite à des vols commis dans des magasins japonais.
Si certains s'indignent, notamment sur les réseaux sociaux, et demandent des sanctions lourdes à l'encontre des treize judokas concernés, il faudra sans doute commencer par établir les degrés de responsabilité. Tous n'ont pas volé les mêmes choses, ni les mêmes quantités. Certains en ont été les moteurs, d'autres de simples suiveurs happés par un phénomène de groupe qu'il faudra tâcher de comprendre et d'analyser pour qu'il ne se reproduise plus. Il se dit même que certains n'ont rien volé, mais qu'ils n'ont pas voulu se désolidariser de leurs camarades.
Ensuite il y a des questions à se poser. Doit-on envoyer treize adolescents avec un seul encadrant, sachant que la mission première de celui-ci n'est pas de fliquer, ni même d'éduquer ses troupes, mais tout simplement de contribuer à leur progression sportive.
Sachant qu'au Japon les magasins ne sont pas surveillés, et que ce type d'exactions a déjà eu lieu dans le passé, n'aurait-il pas fallu prévenir ces jeunes avant le départ des tentations qu'il pouvait y avoir et des risques qu'ils encourraient en cas de faute. Il y a fort à parier qu'au moment où ils se remplissaient les poches, aucun d'entre eux n'a pensé au fait qu'il mettait en jeu sa carrière sportive, ainsi que l'image du judo français.
Alors qui faut-il punir ? Pour qui le goudron et les plumes ? Pour ces treize jeunes qui selon les échos que nous avons ne sont pas des voyous ? Pour Christophe Gagliano qui aurait dû se comporter en vigile ? Pour la fédération qui n'a pas su anticiper un problème qui nous pendait au nez depuis plusieurs années, puisque les vols commis au Japon par des membres de l'équipe de France ne sont pas nouveaux ? Pour les parents ? Les professeurs ? Dans cette histoire nous sommes tous un peu responsables et il faut malheureusement constater que les valeurs que nous essayons de transmettre, le message que nous souhaitons faire passer aux jeunes, ne résiste pas à la première tentation venue.
En attendant que les sanctions officielles ne soient prises, il a été suggéré aux clubs de ne pas aligner les athlètes concernés lors des championnats de France. A priori leurs clubs respectifs devraient jouer le jeu, même si pour eux aussi la pilule est dure à avaler, puisqu'ils se privent de représentants sur la compétition nationale la plus importante de la saison, pour des faits survenus dans le cadre de l'équipe de France. On peut d'ailleurs se demander si la réciprocité fonctionnerait. L'équipe de France se passerait-elle d'un athlète parce qu'il a commis une faute lors d'un stage avec son club ?
Dans quelques jours une commission de discipline se réunira pour décider de la conduite à tenir et des sanctions à infliger. Nous espérons que le but premier de la sanction ne sera pas de calmer le président de la fédération japonaise qui menace d'interdire la participation des Français au Grand Chelem de Tokyo, mais bien de faire prendre conscience à ces jeunes de la portée de leurs actes, tout en en leur permettant de se racheter.
Certains ne seront sans doute pas d'accord avec ce point de vue. Je peux comprendre leur ressenti et leur profond sentiment d'indignation, car l'outrage fait par cet incident à notre sport est réel. Néanmoins si l'on veut défendre la valeur du judo comme école de vie, la sanction qui sera prise devra bien sûr être exemplaire, mais surtout éducative.
http://www.alljudo.net/actualite-judo-1854-le-goudron-et-les-plumes----pour-qui.html